ILS SONT TOUJOURS LA Yoafré Sylmafan
LE GRAND NOIR (Texte premier)
Deux individus se pressent devant ma porte close.
Le plus grand frappe violemment comme pour effrayer l'éventuel occupant.
Du coin de l'escalier, je les observe, cherchant à identifier les nouveaux arrivant. L'un est grand, brun, parfaitement habillé à la mode jeune
cadre dynamique; l'autre est une femme. Elle porte un vague tailleur gris passe-muraille. Ils n'ont pas l'air inquiétant.
Je leur propose d'entrer espérant une fois de plus me délecté de quelque contrat d'assurance.
Je me garde bien de les prévenir que j'ai de nouveau égaré le Grand Noir.
Nous nous installons dans le séjour, confortablement. Je vais même jusqu'à leur proposer un rafraîchissement.
En ouvrant le bar, j'en profite pour m'assurer que Gertrude n'est pas à l'affût.
- Cher Monsieur, commence le plus propre tout en sirotant son "Perrier", nous sommes venus vous entretenir du bonheur!
- A la bonne heure, dis-je.
- Avez-vous lu la bible?
Je le regarde en me roulant un joint. Lui, a l'air inquiet en observant le manège de mes mains.
- Oui, j'ai du la lire... trois ou quatre fois.
L'homme à l'air surpris. Il regarde son acolyte en disant:
- Enfin, nous avons trouvé quelqu'un. Puis m'adressant de nouveau la parole:
- Vous ne pouvez pas savoir combien nous sommes heureux de vous avoir rencontré. Il marqua une pause
juste le temps pour lui de déglutir, et pour moi de me gratter la tête;
- Ainsi vous connaissez le grand livre du bonheur?
- Eh oui!
- Fantastique!
- Et j'en connais d'autres tout aussi intéressants.
Il me regarde les yeux ronds comme des streptocoques isolés.
- Vous connaissez d'autres livres du bonheur?
- Ma foi, pardonnez-moi ce jeu de mot, oui. Je commençais à compter sur mes doigts; le Popol vuh, le Talmud, le Veda, les Cinq Classiques, et aussi le
Tripitaka Pali, le Capital dans une moindre mesure, et le Nécronomicon.
La femme affiche un large sourire qu'elle s'empresse de souligner d'un vague gloussement.
L'homme moins à l'aise sue à grosses gouttes sans quitter des yeux mon pétard. La sueur commence à décorer son costume trois pièces gris.
- Je ne les connais pas tous finit-il par avouer. En fait, le Nécrono..., Nécro-machin, sans parler du Tripi... Trifi...
- Tripitaka Pali, rectifie la femme.
L'homme lui adresse un moue réprobatrice.
- Le Tripitaka Pali, c'est cela. En fait, je ne les ai pas lus.
J'exhale une grosse bouffée vers son visage.
- Eh bien moi, je les ai lus. Je vous conseille d'en faire de même. Vous y découvrirez une grande vérité.
- Une grande vérité?
- Pas plus de Dieu là haut que d'HLM dans le désert de Gobi.
- Vous ne croyez pas en Dieu? s'indigna t il.
- Ni Dieu ni maître; Ni Marx ni Jésus. Je cite, vous l'aurez compris.
L'homme se lève en tentant d'entraîner sa compagne qui, elle, se gondole dangereusement. Elle est rivée sur son siège et ne semble pas décider à l'abandonner.
- Nous vivons des temps décadents. admoneste t il. Le Christ nous l'avait bien dit" Le mal vient de l'homme"
- La femme retourne vers le mâle surenchérit la femme en éclatant de rire.
- Le Christ est un visionnaire, dis-je tranquillement, un point c'est tout. Si le mal vient de l'homme il suffit de lui trouver une femelle; une valise par exemple.
L'homme s'affaissa sur la chaise, en proie à un profond désespoir.
- Il est dur d'être jugé par des abrutis.
- Surtout lorsque ce jugement vient ne dernier, dit la femme.
Je le voyais s'enfoncer de plus en plus loin. Il ne réagissait même plus aux propos blasphématoires de sa compagne.
Je repris la main.
- Sans rigoler, que vouliez vous me dire.
Il se dressa d'un bon, leva les bras au ciel et implora son Dieu.
Puis comme s'il avait eu la Révélation, me regarda avec pitié.
- Et que proposez vous comme alternative à la religion?
- Je propose de tuer la religion.
- Vous ne pouvez rien contre la religion.
- L'homme découvre son environnement, sa vie, son corps. Quand il arrive à un certain niveau de conscience, il prend peur et invente un dieu... un parti politique.
- La lecture de la Bible...
- As-tu déjà visité ton inconscient?
- Oui, en lisant la Bib...
- Ca va, ça va. Je n'ai pas peur. Je suis descendu. J'y ai fait des rencontres: Gertrude, mon araignée préférée. Elle était en train de saouler la gueule... Je l'ai saluée. Elle m'a demandé ce que je faisais là; Je lui ai indiqué le but de ma visite, et elle m'a montré la porte ouverte.
L'homme avait la bouche ouverte, les yeux comme des boules de billards. A coté de lui, la femme semblait dormir.
- Et savez vous ce j'y ai trouvé, derrière cette porte?
L'homme ne broncha pas.
Aussi je lui donnais la réponse:
- J'y ai trouvé le Grand Noir.
- Le grand noir, quel grand noir?
- Le Grand Noir. Celui qui est derrière vous.
Deux volutes noires enserrèrent la tête de l'homme. Il hurla longuement et disparut, aspiré par le tourbillon de néant.
La femme ouvrit les yeux me demanda si elle pouvait tirer une taffe. Je lui tendis le pétard, puis allai ouvrir l'armoire pour laisser sortir Gertrude. Le Grand Noir revint en riant et alla raconter quelque chose à Gertrude.
Quand ils eurent fini de rire, ils nous rejoignirent autour de la table, et nous pûmes enfin commencer cette partie de tarot. Après une dizaine de parties, le Grand Noir nous salua et s'engouffra dans mes narines.
Elisa m'accompagna dans la chambre et Gertrude retourna dans son armoire.
MORALITE: Quand on est seul, on n'est jamais isolé...
A moins que ce ne soit
Quand on est isolé, on n'est jamais seul
Allez, à la votre....
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