Ca sent bon la mer
Des algues sur les tours à Paris? Une start-up française y croit
Photo du "photoréacteur" développé par Ennesys prise près du quartier de La Défense, le 20 juillet 2012 à Paris
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France 25/07/2012 07:52
Des Tours de bureaux recouvertes de murs d'algues sources de chauffage et d'électricité: à quelques encablures du quartier d'affaires parisien de La Défense, la start-up française Ennesys mijote une nouvelle recette dans la quête d'un bâtiment vert.
Le concept? "Produire de l'énergie en dépolluant les eaux usées. Et le faire sans utiliser de surface au sol", explique Pierre Tauzinat, le président de cette jeune pousse d'à peine deux ans qui vient d'emménager à Nanterre en banlieue parisienne.
Dans un "photoréacteur", un aquarium de plastique rempli d'un joli liquide vert, circule hermétiquement un drôle de cocktail: un mélange de déchets peu ragoûtants (les eaux souillées de toilettes ou du "jus de poubelle" venu des décharges) que dévorent d'infimes algues en se reproduisant à grande vitesse par photosynthèse sous l'effet de la lumière.
En recouvrant des grands bâtiments de ces panneaux, Ennesys assure pouvoir réduire d'au moins 80% leur consommation d'énergie dite primaire (hors occupants) et de 80% leur consommation en eau. Des factures qui se chiffrent en centaines de milliers d'euros par an, voire plus, pour des Tours de bureaux.
La valeur énergétique du charbon
"Les algues ont à peu près la même valeur énergétique que le charbon", explique Jean-Louis Kindler, le directeur scientifique qui se présente comme "le cuisinier" des algues d'Ennesys. "D'ailleurs une grande partie du pétrole qu'on découvre aujourd'hui, ce sont des algues fossilisées".
Dix mille mètres carrés de panneaux d'Ennesys permettent de produire environ 150 tonnes d'algues par an. Celles-ci peuvent rendre à leur tour 70 tonnes d'huile: un biocarburant qui peut être utilisé par exemple dans un générateur, les résidus secs étant eux brûlés pour faire du chauffage ou de l'électricité.
Quant à l'eau propre à 99,9% obtenue au terme du processus, elle peut parfaitement alimenter les chasses d'eaux du bâtiment, qui représentent l'essentiel de la consommation de bureaux.
Pour faciliter les contrats, Ennesys va installer d'ici septembre un démonstrateur sur les murs de ses propres locaux. Son partenaire américain OriginOil vient de lui livrer des machines permettant de dissocier les algues de l'eau.
Le marché visé? L'immobilier neuf. A partir de 2020, tous les bâtiments inaugurés devront en effet produire plus d'énergie primaire qu'ils n'en consomment.
"C'est un casse-tête pour les promoteurs, et vu les délais de constructions de plusieurs années, ils doivent s'y prendre aujourd'hui pour être aux normes, sinon ils ne pourront jamais revendre leurs bâtiments", explique Christine Grimault, la directrice du développement.
Outre l'énergie produite par les algues, les panneaux d'Ennesys ont l'avantage d'offrir un "bouclier thermique", qui évite trop de chaleur en été et trop de froid en hiver. Une alternative à des coûteux dispositifs d'isolation ou aux panneaux photovoltaïques, fait valoir la start-up.
La petite société a quatre contrats en vue, dont un, le plus avancé, avec un "grand promoteur" pour une tour dans l'ouest parisien, un contrat estimé autour de 3 millions d'euros. Une levée de fonds de 5 millions auprès d'investisseurs est espérée vers la fin de l'année.
Outre les bâtiments, un autre créneau s'annonce prometteur. Celui des décharges, qui produisent des quantités énormes de lixiviat, du "jus de poubelle". Des "cafés" de déchets hautement toxiques et à l'odeur répugnante, mais que les algues adorent recycler en se gavant de CO2 pour se reproduire.
Pas d'inquiétude côté vandalisme, assure Jean-Louis Kindler, les panneaux résistent à de lourds projectiles. Seul problème - inattendu - encore à régler: la protection contre les becs des corbeaux, qui se tuent par accident en heurtant les façades.
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